E-Book, Französisch, 936 Seiten
Sue Les Secrets de l'oreiller ...
1. Auflage 2021
ISBN: 978-2-322-40025-6
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
E-Book, Französisch, 936 Seiten
ISBN: 978-2-322-40025-6
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
Quelques jours de la vie des locataires d'une maison parisienne, autour de l'invitation de leur propriétaire, personne dotée de toutes les vertus.
Marie-Joseph Sue dit Eugène Sue, né le 26 janvier 1804 à Paris et mort en exil le 3 août 1857 à Annecy-le-Vieux, est un écrivain français. Il est principalement connu pour deux de ses romans-feuilletons à caractère social : Les Mystères de Paris et Le Juif errant.
Autoren/Hrsg.
Weitere Infos & Material
TOME DEUXIÈME
I Un morne silence succède à la brusque sortie de Felippe ; ses noires prévisions se réalisent en partie. Le duc della Sorga, effrayé de ces paroles arrachées à Ottavio dans la première expansion de son chagrin : « Ah ! c’en est trop ! c’est à me faire détester la vie ! » le duc della Sorga, sans croire précisément que la cruelle déception dont son fils aîné est victime puisse le pousser au suicide, sent pourtant combien il est indispensable de calmer au plus tôt le chagrin d’Ottavio et de le ramener à l’espérance. Aussi, rompant le premier le silence, le duc s’adresse au jeune homme : — Cher enfant, je comprends tout ce qu’il y a de désolant pour toi à penser que ton malheureux frère interprète si faussement les généreux motifs qui t’engageaient à rester près de lui ce soir. — Ah ! c’est affreux ! – reprend Ottavio, toujours abattu et essuyant ses larmes. – J’étais si heureux, si heureux de retrouver en lui mon tendre frère d’autrefois ! et jamais il ne m’a traité avec autant d’injustice et de cruauté que tout à l’heure ! Ah ! c’est fini, il me faut renoncer à son affection ; c’est de la haine qu’il ressent pour moi maintenant. Mon Dieu ! mon Dieu ! et quel mal lui ai-je fait pourtant ? — Calme-toi, cher enfant ; ne t’exagère pas, de grâce, ce nouvel égarement d’un pauvre esprit malade, – reprend le duc della Sorga. – Crois-moi, Felippe était sincère en t’exprimant d’abord ses regrets au sujet de vos discords passés. — Hélas ! mon père, je l’espérais ; mais, à cette heure… — Il était sincère, te dis-je, je te l’affirme, je te le jure ; car, avant que tu vinsses nous rejoindre, il m’a profondément touché par l’expression poignante de son chagrin. Mais, que veux-tu, mon ami ! l’on ne parvient souvent à une guérison complète qu’après plusieurs rechutes. Ce malheureux enfant s’était imaginé, s’imagine encore, que nous rougissons de lui. Cette absurde, mais dangereuse erreur, enracinée dès longtemps dans son esprit, ne peut être détruite en un jour, et du premier coup. — Ton père a raison, mon Ottavio, – ajoute la duchesse della Sorga ; – nous ne pouvons espérer chez ton frère une guérison complète, immédiate ; aussi rendons grâce au ciel de l’heureux symptôme qui s’était d’abord manifesté chez le pauvre insensé. Ce retour vers toi, si éphémère qu’il ait été, est d’un bon augure ; il nous présage certainement un meilleur avenir ; c’est un premier pas vers le bien. Ton frère, sans doute, est revenu sur ce premier pas ; mais il le fera de nouveau et, cette fois, d’un cœur plus affermi. Ainsi, mon Ottavio, garde-toi de t’affliger outre mesure de ce mécompte passager ; nous en rencontrerons sans doute d’autres encore ; mais nous parviendrons à persuader à cet infortuné qu’il est aimé, chéri de nous. Jusque-là, mon Ottavio, patience et espoir ; laissons-le à lui-même, et peu à peu il nous reviendra, tu le verras. — Ah ! ma mère, que Dieu vous entende ! et je le prends à témoin que je suis navré, désespéré, mais non blessé de l’injustice de Felippe ! Il a beau me haïr, je l’aimerai malgré lui, parce qu’il m’inspire une pitié profonde : il est si malheureux ! — Cher enfant, – dit la duchesse baisant son fils au front, – il n’est pas d’âme plus angélique que la tienne ; je vais prier le Seigneur de te… Mais, malgré son exécrable hypocrisie, cette femme songeant qu’elle va au rendez-vous donné par elle la veille à M. de Luxeuil au parc de Monceaux, cette femme rougit cependant, et son mensonge sacrilége expire sur ses lèvres : non qu’elle redoute le ciel, mais ce blasphème lui paraît un outrage infâme à la pieuse croyance de son fils aux vertus qu’il adore en elle. Aussi, s’interrompant et baisant de nouveau le jeune homme au front : — À tantôt, cher enfant, et surtout ne désespère pas de ton frère ; je te le répète, malgré sa méchante boutade de ce matin, il nous reviendra ; le premier pas est fait. Et, tendant la main à son mari : — Adieu, mon ami. — Adieu, Béatrice ; vous verrez sans doute ce matin quelque pauvre famille de nos compagnons d’exil ; dites-leur encore en mon nom combien j’ai été sensible à l’honneur qu’ils m’ont fait hier au soir. — Cet honneur était dû, mon ami, à votre patriotisme et aux souffrances de l’exil que vous endurez si vaillamment pour votre cause ! — Bonne et sainte mère, toujours à l’œuvre, tant qu’il y a des larmes à sécher, une infortune à soulager ! – reprend Ottavio contemplant sa mère avec idolâtrie. – Comment le ciel n’exaucerait-il pas vos prières ? Oui, oui, grâce à elles, il nous rendra mon frère, et, une fois de plus, vos vertus auront… — Taisez-vous, dangereux flatteur ! vous m’induirez en péché d’orgueil, – dit la duchesse posant ses mains sur les lèvres d’Ottavio, qui les baise avec respect. Puis, comme si elle eut voulu couper court à ces louanges, la duchesse ajoute : — Cher enfant, il faut te distraire des cruelles pensées dont tu as tant souffert tout à l’heure ; et, si tu me crois, tu iras faire le premier une visite à ce jeune M. Alexis Borel, pour qui tu sens, m’as-tu dit, un attrait si mérité. Cette prévenance de ta part serait de bon goût. — Certainement, – ajoute le duc della Sorga ; – ce jeune homme est charmant, et j’ai été, hier au soir, vraiment très-touché de la sympathie qu’il m’a témoignée. — Soit ! Peut-être vaut-il mieux me distraire de mon chagrin que de m’y trop abandonner, – répond en soupirant Ottavio. – Je vais aller voir M. Alexis Borel ; nous avons été hier au soir tout de suite en confiance l’un envers l’autre. — Pourquoi ne lui proposerais-tu pas d’aller ce soir avec toi à l’Opéra ? — Il me serait impossible de prendre aujourd’hui le moindre plaisir : j’ai le cœur navré. — Voilà pourquoi il faut, mon Ottavio, chercher quelque distraction. — Non, non, je me sens si triste, si abattu, ma mère, que vous m’excuserez de ne pas aller avec vous ce soir. — Et, moi, je dis comme ta mère, cher enfant : il faut lutter contre la tristesse ; tu viendras à l’Opéra, je l’exige ; et la compagnie de ce jeune M. Borel t’empêchera de t’abandonner à tes noires pensées, si elles résistaient aux distractions du spectacle. Voilà pourquoi je serais, ainsi que ta mère, enchanté de voir ce jeune homme t’accompagner ce soir. — Y songez-vous, mon père ? me rendre à cette partie de plaisir, tandis que ce malheureux Felippe resterait seul ici ! — Mon ami, ta mère nous l’a dit avec beaucoup de sens : nous devons maintenant laisser ton frère à lui-même. Tu connais mieux que personne l’irritabilité de son caractère, et si, après la scène pénible de ce matin, scène dont il aura bientôt regret, sois-en persuadé, tu voulais rester ce soir près de lui, pour ainsi dire, malgré sa volonté, tu t’exposerais à de nouveaux emportements de sa part. — Peut-être bien : sa susceptibilité est si grande ! – répond Ottavio pensif et cédant à demi aux observations de son père. Puis il ajoute : — Cependant je ne m’engagerai que conditionnellement avec M. Alexis Borel, et tantôt, lorsque l’emportement de mon frère sera sans doute apaisé, je lui offrirai de passer la soirée avec lui ; s’il accepte, je me dégagerai envers M. Alexis. — Cette tentative si cordiale de ta part auprès de ton frère soulèvera, je le crains, un nouvel orage, – reprit la duchesse. – Crois-moi, laisse du moins aujourd’hui Felippe seul avec lui-même ; cet isolement ne peut qu’être favorable à nos espérances. — Qui sait, au contraire, ma mère, si ma démarche ne lui fournira pas l’occasion qu’il désire peut-être de nous témoigner son regret de ce qui s’est passé ce matin ? — Enfin, essaye, – reprend le duc ; – mais je suis de l’avis de ta mère : mieux vaudrait t’abstenir. Un domestique entre et dit : — La voiture que madame la duchesse a demandée pour dix heures est à ses ordres. — Je vais vous accompagner, ma mère, jusqu’à la porte de la rue, – dit Ottavio offrant son bras à la duchesse ; – je monterai ensuite chez M. Alexis Borel. Ottavio, traversant le jardin de l’hôtel et la cour de la maison avec la duchesse, arrive à la voûte de la porte cochère, devant laquelle stationnait un fiacre. Le jeune homme, montrant du regard à sa mère ce modeste véhicule, lui dit avec un sourire touchant : — Je sais bien pourquoi, ma mère, ayant six chevaux à votre disposition, vous sortez cependant toujours en fiacre le matin. — Vraiment ! tu sais cela, cher enfant ? — Oui, c’est afin de ne pas risquer d’humilier les infortunés que vous secourez. Un brillant équipage, d’où vous descendriez, offrirait à leurs yeux un pénible contraste avec leur pauvreté ; vous leur épargnez même cette comparaison. — Je désire simplement, mon ami, épargner à nos gens un service trop matinal. — Ah ! ma mère ! ma mère ! – répond Ottavio secouant la tête avec incrédulité et aidant la duchesse à monter dans le fiacre. Puis le cocher, s’adressant à elle : — Où faut-il conduire madame ? — À l’église de la Madeleine, – répond la duchesse d’une...