E-Book, Französisch, Band 1/9, 150 Seiten
Saint-Saëns Portraits et souvenirs
1. Auflage 2021
ISBN: 978-2-322-41457-4
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
Saint-Saëns par lui-même (centenaire Saint-Saëns 1921-2021)
E-Book, Französisch, Band 1/9, 150 Seiten
Reihe: mémoires et écrits de compositeurs
ISBN: 978-2-322-41457-4
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
Charles Camille Saint-Saëns, né le 9 octobre 1835 à Paris et mort le 16 décembre 1921 à Alger, est un pianiste, organiste et compositeur français de l'époque romantique. Il a écrit douze opéras, dont le plus connu est Samson et Dalila (1877), de nombreux oratorios, cinq symphonies, cinq concertos pour piano, trois pour violon et deux pour violoncelle, des compositions chorales, un Requiem, un Oratorio de Noël, de la musique de chambre et des pièces pittoresques, dont Le Carnaval des animaux (1886). De plus, il occupe une place particulière dans l'histoire du cinéma puisqu'il est, en 1908, le tout premier compositeur de renom à composer une musique spécialement pour un film, L'Assassinat du duc de Guise.
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PORTRAITS
HECTOR BERLIOZ
Un paradoxe fait homme, tel fut Berlioz.
S'il est une qualité qu'on ne peut refuser à ses œuvres, que ses adversaires les plus acharnés ne lui ont jamais contestée, c'est l'éclat, le coloris prodigieux de l'instrumentation. Quand on l'étudie en cherchant à se rendre compte des procédés de l'auteur, on marche d'étonnements en étonnements. Celui qui lit ses partitions sans les avoir entendues ne peut s'en faire aucune idée; les instruments paraissent disposés en dépit du sens commun; il semblerait, pour employer l'argot du métier, que cela ne dût pas ; et cela sonne merveilleusement. S'il y a peut-être, çà et là, des obscurités dans le style, il n'y en a pas dans l'orchestre; la lumière l'inonde et s'y joue comme dans les facettes d'un diamant.
En cela, Berlioz était guidé par un instinct mystérieux, et ses procédés échappent à l'analyse, par la raison qu'il n'en avait pas. Il l'avoue lui-même dans son , quand, après avoir décrit en détail tous les instruments, énuméré leurs ressources et leurs propriétés, il déclare que leur groupement est le secret du génie et qu'il est impossible de l'enseigner. Il allait trop loin; le monde est plein de musiciens qui sans le moindre génie, par des procédés sûrs et commodes, écrivent fort bien pour l'orchestre. Ce est lui-même une œuvre hautement paradoxale. Il débute par un avant-propos de quelques lignes, sans rapport avec le sujet, où l'auteur s'élève contre les musiciens qui abusent des modulations et ont du goût pour les dissonances, (que dirait-il donc aujourd'hui!). Puis il aborde l'étude des instruments de l'orchestre et mêle aux vérités les plus solides, aux conseils les plus précieux, des assertions étranges, celle-ci entre autres: «La clarinette, dit-il, est peu propre à l'idylle.» Il ne voulait voir en elle qu'une voix propre à l'expression des sentiments héroïques. Mais la clarinette, très héroïque en effet, est aussi très bucolique; il n'y a qu'à se rappeler le parti qu'en a tiré Beethoven dans la , pour en être convaincu. Le joli début agreste du , qui n'était pas encore né quand Berlioz écrivit son traité, est encore venu lui donner un démenti.
Les grandes œuvres de Berlioz, à l'époque où parut l'ouvrage dont nous parlons, étaient pour la plupart inédites; on ne les exécutait nulle part. Ne s'avisa-t-il pas de citer comme exemples, pour ainsi dire à chaque page, des fragments de ces mêmes œuvres! Que pouvaient-ils apprendre à des élèves qui n'avaient jamais l'occasion de les entendre?
Eh bien! il en est de ce traité de Berlioz comme de son instrumentation: avec toutes ces bizarreries, il est merveilleux. C'est grâce à lui que toute ma génération s'est formée, et j'ose dire qu'elle a été bien formée. Il avait cette qualité inestimable d'enflammer l'imagination, de faire aimer l'art qu'il enseignait. Ce qu'il ne vous apprenait pas, il vous donnait la soif de l'apprendre, et l'on ne sait bien que ce qu'on a appris soi-même. Ces citations, en apparence inutiles, faisaient rêver; c'était une porte ouverte sur un monde nouveau, la vue lointaine et captivante de l'avenir, de la terre promise. Une nomenclature plus exacte, avec des exemples sagement choisis, mais sèche et sans vie, eût-elle produit de meilleurs résultats? Je ne le crois pas. On n'apprend pas l'art comme les mathématiques.
Le paradoxe et le génie éclatent à la fois dans . Le plan est inouï; jamais rien de semblable n'avait été imaginé. Le prologue (retranché malheureusement trop souvent) et la dernière partie sont lyriques; celle-ci même est dramatique, traitée en forme de finale d'opéra; le reste est symphonique, avec de rares apparitions chorales reliant par un fil ténu la première partie à la dernière et donnant de l'unité à l'ensemble. Ni lyrique, ni dramatique, ni symphonique, un peu de tout cela: construction hétéroclite où la symphonie prédomine, tel est l'ouvrage. A un pareil défi au sens commun il ne pouvait y avoir qu'une excuse: faire un chef-d'œuvre, et Berlioz n'y a pas manqué. Tout y est neuf, personnel, de cette originalité profonde qui décourage l'imitation. Le fameux , «la Reine Mab», vaut encore mieux que sa réputation; c'est le miracle du fantastique léger et gracieux. Auprès de telles délicatesses, de telles transparences, les finesses de Mendelssohn dans le semblent épaisses. Cela tient à ce que l'insaisissable, l'impalpable ne sont pas seulement dans la sonorité, mais dans le style. Sous ce rapport, je ne vois que le chœur des génies d' qui puisse soutenir la comparaison.
me semble être l'œuvre la plus caractéristique de Berlioz, celle qui a le plus de droits à la faveur du public. Jusqu'ici, le succès populaire, non seulement en France, mais dans le monde entier, est allé à la ; et il ne faut pas désespérer néanmoins de voir un jour prendre la place victorieuse qui lui est due.
L'esprit paradoxal se retrouve dans le critique. Berlioz a été, sans conteste possible, le premier critique musical de son époque, en dépit de la singularité parfois inexplicable de ses jugements; et pourtant la base même de la critique, l'érudition, la connaissance de l'histoire de l'art lui manquait. Bien des gens prétendent qu'en art il ne faut pas raisonner ses impression. C'est très possible, mais alors il faut se borner à prendre son plaisir où on le trouve et renoncer à juger quoi que ce soit. Un critique doit procéder autrement, faire la part du fort et du faible, ne pas exiger de Raphaël la palette de Rembrandt, des anciens peintres qui peignaient à l'œuf et à la détrempe les effets de la peinture à l'huile. Berlioz ne faisait la part de rien, que de la satisfaction ou de l'ennui qu'il avait éprouvé dans l'audition d'un ouvrage. Le passé n'existait pas pour lui; il ne comprenait pas les Maîtres anciens qu'il n'avait pas pu connaître que par la lecture. S'il a tant admiré Gluck et Spontini, c'est que dans sa jeunesse il avait vu représenter leurs œuvres à l'Opéra, interprétées par Mme Branchu, la dernière qui en ait conservé les traditions. Il disait pis que prendre de Lully, de la de Pergolèse: «Voir reprendre cet ouvrage, a-t-il dit ironiquement, assister à sa première représentation, serait un plaisir digne de l'Olympe!».
J'ai toujours présents à la mémoire son étonnement et son ravissement à l'audition d'un chœur de Sébastien Bach, que je lui fis connaître un jour; il n'en revenait pas que le grand Sébastien eût écrit des choses pareilles; et il m'avoua qu'il l'avait toujours pris pour une sorte de colossal fort-en-thème, fabricant de fugues très savantes, mais dénué de charme et de poésie. A vrai dire, il ne le connaissait pas.
Et cependant, malgré tout cela et bien d'autres choses encore, il a été un critique de premier ordre, parce qu'il a montré ce phénomène unique au monde d'un homme de génie, à l'esprit délicat et pénétrant, aux sens extraordinairement raffinés, racontant sincèrement des impressions qui n'étaient altérées par aucune préoccupation extérieure. Les pages qu'il a écrites sur les symphonies de Beethoven, sur les opéras de Gluck, sont incomparables; il faut toujours y revenir quand on veut rafraîchir son imagination, épurer son goût, se laver de toute cette poussière que l'ordinaire de la vie et de la musique met sur nos âmes d'artistes, qui ont tant à souffrir dans ce monde.
On lui a reproché sa causticité. Ce n'était pas chez lui méchanceté, mais plutôt une sorte de gaminerie, une verve comique intarissable qu'il portait dans la conversation et ne pouvait maîtriser. Je ne vois guère que Duprez sur qui cette verve se soit exercée avec quelque persistance dans des articles facétieux; et franchement le grand ténor avait bien mérité d'être un peu criblé de flèches. N'a-t-il pas narré lui-même, dans ses , comment il avait étranglé , et l'auteur pouvait-il lui...