E-Book, Französisch, 212 Seiten
Leblanc Victor, de la Brigade mondaine
1. Auflage 2021
ISBN: 978-2-322-38223-1
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
de Maurice Leblanc
E-Book, Französisch, 212 Seiten
ISBN: 978-2-322-38223-1
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
Marie Émile Maurice Leblanc est un romancier français né le 11 décembre 18641, à Rouen, et mort le 6 novembre 1941, à Perpignan. Auteur de nombreux romans policiers et d'aventures, il est le créateur du célèbre gentleman-cambrioleur Arsène Lupin.
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Chapitre I
Il court, il court, le furet…
– 1 –
Ce fut bien par hasard que Victor, de la Brigade mondaine, entra, cet après-midi de dimanche, au Ciné-Balthazar. Une filature manquée l’avait fait échouer, vers quatre heures, sur le populeux boulevard de Clichy. Pour échapper à l’encombrement d’une fête foraine, il s’était assis à la terrasse d’un café, et, parcourant des yeux un journal du soir, il avait lu cet entrefilet :
« On affirmait ces jours-ci que le fameux cambrioleur Arsène Lupin, qui, après quelques années de silence, fait beaucoup parler de lui actuellement aurait été vu mercredi dernier dans une ville de l’Est. Des inspecteurs ont été envoyés de Paris. Une fois de plus il aurait échappé à l’étreinte de la police. »
« Salaud ! » avait murmuré Victor, en policier rigide qui considère les malfaiteurs comme autant d’ennemis personnels, et s’exprime à leur égard en termes dépourvus d’aménité.
C’est alors que, d’assez mauvaise humeur, il s’était réfugié au cinéma, où se donnait, en seconde matinée, un film très couru d’aventures policières. On le plaça aux fauteuils de balcon, sur le côté. L’entracte tirait à sa fin. Victor maugréait, furieux maintenant de sa décision. Que venait-il faire là ? Il allait repartir et se levait déjà, lorsqu’il aperçut, seule dans une loge de face, donc à quelques mètres de lui, une femme très belle, au visage pâle et aux bandeaux roux d’un reflet fauve. Elle était de ces admirables créatures vers qui tous les regards sont attirés, bien que celle-ci ne cherchât à capter l’attention ni par sa façon de se tenir ni par le moindre geste de parade.
Victor resta. Avant que la nuit brusque ne tombât dans la salle, il eut le temps d’enregistrer le reflet fauve des bandeaux et l’éclat métallique de deux yeux clairs, et, sans se soucier que le film l’ennuyât avec ses péripéties extravagantes, il patienta jusqu’au bout.
Non pas qu’il fût encore à l’âge où l’on se croit capable de plaire. Non. Il connaissait fort bien son âpre figure, son air peu aimable, sa peau rugueuse, ses tempes grisonnantes, bref cet ensemble revêche d’ancien adjudant de cavalerie qui aurait dépassé la cinquantaine, et qui chercherait à faire de l’élégance avec des vêtements trop ajustés à la taille et sentant la confection. Mais la beauté féminine était un spectacle dont il ne se lassait pas et qui lui rappelait les meilleures émotions de sa vie. En outre, il aimait son métier, et certaines visions lui imposaient le désir de discerner ce qu’elles cachaient de mystérieux, de tragique, ou même, parfois, d’infiniment simple.
Quand la lumière jaillit de nouveau et que la dame fut debout, en pleine clarté, il constata qu’elle était de haute taille, d’une grande distinction, et fort bien habillée, considérations qui ne firent que le stimuler. Il voulait voir, et il voulait savoir. Donc, il la suivrait, autant par curiosité que par intérêt professionnel. Mais, au moment où il commençait à se rapprocher, il se produisit, au-dessous du balcon, parmi la masse des spectateurs qui s’écoulaient, un tumulte soudain. Des cris s’élevaient. Une voix d’homme hurla :
« Au voleur ! Arrêtez-la ! Elle m’a volé ! »
La dame élégante se pencha sur l’orchestre. Victor se pencha aussi. En bas, dans le passage central, un jeune homme, petit et gros, gesticulait, la figure contractée, et se démenait furieusement pour fendre les rangs pressés qui l’entouraient. La personne qu’il essayait d’atteindre et de désigner de son doigt tendu devait être assez loin, car ni Victor, ni aucun des spectateurs ne remarquèrent qu’une femme courût et tâchât de se sauver. Cependant, il vociférait, haletant, dressé sur la pointe des pieds, avançant à coups de coudes et d’épaules
« Là-bas !… là-bas !… elle franchit les portes… des cheveux noirs… un vêtement noir… une toque… »
Il suffoquait, incapable de donner un renseignement qui permît d’identifier la femme. À la fin, il bouscula les gens avec une telle violence qu’il réussit à se frayer un chemin et à bondir dans le hall d’entrée, jusqu’aux baies des grandes portes ouvertes.
C’est là que Victor, qui n’avait pas attendu plus longtemps pour descendre l’étage du balcon, le rejoignit et l’entendit qui proférait encore :
« Au voleur ! arrêtez-la ! »
Dehors crépitaient tous les orchestres de la fête foraine, et l’ombre du soir naissant s’illuminait d’une clarté toute vibrante de poussière. Affolé, ayant sans doute perdu de vue la fugitive, le jeune homme, deux ou trois secondes immobile sur le trottoir, la cherchait des yeux, à droite, à gauche, en face. Puis, brusquement, il dut l’apercevoir et courut vers la place Clichy, se glissant au milieu des autos et des tramways.
Il ne criait plus, maintenant, et filait très vite, en sautant parfois comme s’il espérait surprendre de nouveau, parmi les centaines de promeneurs, celle qui l’avait volé. Cependant, il avait l’impression que, depuis le cinéma, quelqu’un courait également, presque à ses côtés, et cela devait l’encourager, car il redoublait de vitesse.
Une voix lui dit :
« Vous la voyez toujours ?… Comment diable pouvez-vous la voir ?… »
Essoufflé, il murmura :
« Non… je ne la vois plus. Mais elle a sûrement pris cette rue-là… »
Il s’engageait dans une rue bien moins fréquentée, où il eût été impossible de ne pas discerner une femme qui eût marché à une allure plus rapide que les autres promeneuses.
À un carrefour, il ordonna :
« Prenez la rue de droite… moi, celle-ci. On se retrouvera au bout… Une petite brune, habillée de noir… »
Mais il n’avait pas fait vingt pas dans la rue choisie par lui qu’il s’appuya contre le mur, hors d’haleine, chancelant, et il se rendit compte, seulement alors, que son compagnon ne lui avait pas obéi, et qu’il le soutenait cordialement dans sa défaillance.
« Comment ! comment ! dit-il avec colère, vous voilà encore ? Je vous avais pourtant recommandé…
– Oui, répondit l’autre, mais, depuis la place Clichy, vous avez vraiment l’air d’aller au hasard. Il faut réfléchir. J’ai l’habitude de ces histoires-là. On va quelquefois plus vite sans bouger. »
Le jeune homme observa cet obligeant personnage, qui, chose étrange, malgré son apparence âgée, ne semblait même pas essoufflé par sa course.
« Ah ! dit-il, d’un air maussade, vous avez l’habitude ?…
– Oui, je suis de la police… Inspecteur Victor…
– Vous êtes de la police ?… répéta le jeune homme, distraitement, les yeux fixes. Je n’ai jamais vu des types de la police. »
Était-ce un spectacle agréable pour lui, ou désagréable ? Il tendit la main à Victor et le remercia.
« Au revoir… Vous avez été très aimable… »
Il s’éloignait déjà. Victor le retint.
« Mais cette femme ?… cette voleuse ?…
– Aucune importance… je la retrouverai…
– Je pourrais vous être utile. Donnez-moi donc quelques renseignements.
– Des renseignements ? Sur quoi ? Je me suis trompé. »
Il se mit à marcher plus vite. L’inspecteur l’escortait du même pas rapide, et, à mesure que l’autre semblait plus désireux de rompre l’entretien, il s’accrochait davantage à lui. Ils ne parlaient même plus. Le jeune homme paraissait pressé d’atteindre un but qui n’était cependant pas la capture de la voleuse, puisqu’il allait visiblement à l’aventure.
« Entrons ici », dit l’inspecteur qui le dirigeait par le bras vers un rez-de-chaussée marqué d’une...