E-Book, Französisch, Band 5, 332 Seiten
Reihe: Stella Incognita
Lagoguey / Goffette Pouvoirs, responsabilités et cas de conscience en science-fiction
1. Auflage 2023
ISBN: 978-2-322-54640-4
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 0 - No protection
E-Book, Französisch, Band 5, 332 Seiten
Reihe: Stella Incognita
ISBN: 978-2-322-54640-4
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 0 - No protection
Champ d'exploration de tous les possibles, la science-fiction n'a pas son pareil pour poser des questions de type "Et si...?", n'ayant de cesse de parcourir les chemins infinis des "peut-être". Depuis ses origines, elle s'est emparé du thème du pouvoir. Un thème qui, inévitablement, pose la question des responsabilités, car tout acte, s'il présuppose d'abord des choix, entraîne ensuite des conséquences. Bien des acteurs sont concernés par ces questions : le scientifique, le politique, le militaire, le religieux, le financier, le citoyen, ou même le surhomme, le mutant, le cyborg, l'alien, si bien que la science-fiction est une interrogation éthique tout azimut. Sauf certitude aveugle, tout détenteur de pouvoir est confronté au doute et au cas de conscience, où le bien le dispute au mal. Comment ne pas abuser de ses pouvoirs ? Les oeuvres de science-fiction interrogent et nous interrogent. Qui ne s'est jamais demandé ce qu'il ferait s'il était invisible, invincible, immortel, télépathe, omniscient, devin...? Quels que soient les supports par lesquels elle s'exprime, la science-fiction nous pousse à porter un regard lucide sur nous-même et sur le monde qui nous entoure. Au vu de l'extraordinaire richesse des questions philosophiques, éthiques et sociales posées par la science-fiction, cet ouvrage collectif ne prétend à aucune exhaustivité. Mais, par la diversité des approches, des thèmes, des supports et des pays concernés, il témoigne de cette richesse et de l'important travail culturel que la SF effectue pour nos sociétés en perpétuel devenir.
Hervé Lagoguey est maître de conférence à l'Université de Reims Champagne-Ardenne, membre du laboratoire "Centre Interdisciplinaire de Recherche sur les Langues et la Pensée" (CIRLEP EA 4299).
Autoren/Hrsg.
Weitere Infos & Material
La science-fiction : un exercice de lucidité ?
Hervé Lagoguey & Jérôme Goffette
Explorer la conscience et ses tiraillements n'a jamais cessé de nous apporter une substance dense à réfléchir. L'étalage du mal et de la bêtise donne tout autant à penser que les doutes et l'ouverture infinie des « peut-être ». Autant dire que ces explorations ont beaucoup à voir avec une réflexion éthique sur ce qu'on doit faire, sur ce qu'on fait, sur sa lucidité et sur sa responsabilité. Si la philosophie aborde ces questions sous forme d'essais et de traités, la littérature et les arts les arpentent par l'exploration et par l'ouverture de perspectives d'autant plus variées qu'on peut y jouer de toutes les fictions. Dans ce registre, la science-fiction pousse l'exercice à l'extrême, interrogeant la conscience d'un personnage doté de superpouvoirs, questionnant les tiraillements de toute une société dans ses choix, jetant un regard rare sur des enjeux de long terme pouvant toucher une planète entière, voire l'univers. Ce volume se veut ainsi une caisse de résonance de ce travail de lucidité, voire d'effort visionnaire, qui donne une bonne part de son relief à la science-fiction. Champ d’exploration de tous les possibles, technologiques, scientifiques, mais aussi sociétaux, politiques, écologiques et philosophiques, la science-fiction s’est dès son origine posé la question des pouvoirs et des responsabilités, ainsi que des cas de conscience provoqués par des décisions lourdes de conséquences. Premier roman de science-fiction, Frankenstein de Mary Shelley repense les rapports entre créateur et créature à l’aune des possibilités scientifiques. Le savant (fou ou éclairé ?) a-t-il le droit de donner naissance à la créature qu’il a le pouvoir de concevoir ? Doit-il la détruire quand il se rend compte des conséquences de son ambition démesurée, du défi qu’il a lancé aux lois naturelles et aux dieux ? Des monstres de H.G. Wells (L’Île du Dr Moreau) aux clones de la SF moderne (La Jeune Fille et les Clones, David Brin, Reproduction interdite, Jean-Michel Truong), en passant par les hybrides et les cyborgs (Cyborg, Martin Caidin, Homme-Plus, Frederick Pohl) aux hommes augmentés du post-humanisme (Des Fleurs pour Algernon, Daniel Keyes, Ghost in the Shell, Masamune Shirow et Mamoru Oshii), la question de la faisabilité est aussitôt doublée d’un questionnement moral et éthique, car ainsi que l’écrivait Rabelais dans Gargantua, avec la maxime classique « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », ou comme le soulignait Montaigne dans son non moins classique « Mieux veut une tête bien faite qu’une tête bien pleine » (Essais, I, 26) – les deux, par ailleurs, ne dénigrant en rien le savoir, puisqu’ils avaient de nombreuses connaissances et maîtrisaient de multiples langues. Le pouvoir, qu’il soit réel ou imaginaire, met les héros des récits de science-fiction devant des dilemmes qui posent la question de la part de bien et de la part de mal face aux tentations que propose le côté obscur du pouvoir, qu’il soit politique (dérives totalitaires), religieux (endoctrinement), intime (rapport des genres, emprise, domination sexuelle), professionnel (organisation du travail, hiérarchie) ou scientifique (création de chimères mutantes, de fléaux biologiques, d’armes de destruction totale). Les boîtes à outils des savants s’avèrent autant de boîtes de Pandore que des cornes d'abondance, et les progrès technologiques, source inépuisable de questionnements quant à leur bon usage (voir la série Black Mirror). Parfois, ce sont même des extraterrestres qui vont nous sauver de nos propres violences en faisant ce que nous aurions dû faire (Réjouissez-vous, Steven Erikson). Le héros, parfois miraculeusement doté d’un pouvoir que lui aurait donné un « génie », aura-t-il des motivations altruistes ou égoïstes, agira-t-il pour son bien personnel ou pour le bien de l’humanité ? Le conflit interne entre désir et devoir trouvera-t-il une résolution satisfaisante ? L’Homme invisible (H.G. Wells) ou le Passe-muraille (Marcel Aymé) vont-ils céder à la tentation du vol, du voyeurisme, du harcèlement ? Le voyageur temporel doit-il tuer Hitler au berceau (Dieu porte-t-il des lunettes noires ?, Maurice G. Dantec) ? Peut-il s’enrichir (Dr Mops, Jacques Spitz, Back to the Future II, Robert Zemeckis) ? Le télépathe peut-il s’empêcher de voler les pensées intimes de ses proches, de les manipuler (L’Homme démoli, Alfred Bester, L’Oreille interne, Robert Silverberg, L’Homme nu, Dan Simmons, Scanners, David Cronenberg) ? Le précognitif va-t-il se servir de son pouvoir divinatoire à des fins despotiques (Les Chaînes de l’avenir, Philip K. Dick) ou civiques (Minority Report, Steven Spielberg) ? Quel prix est-on prêt à payer pour l’immortalité (Le Livre des crânes, Robert Silverberg, Le Vaisseau des voyageurs, Robert Charles Wilson, La Cité des permutants, Greg Egan) ? « De grands pouvoirs entraînent de grandes responsabilités », lit-on, souligné, dans le comic book The Amazing Spider-Man, comme en écho aux mots de Portalis : « à chaque liberté s’attache une responsabilité », ou à la phrase du député britannique William Lamb (1817). Une évidence que la BD, les comics, les mangas et leurs adaptations cinématographiques ont illustré d’abondance, des premiers X-Men (se ranger aux côtés des bons ou des mauvais mutants ?) aux Avengers de Civil War (obéir ou désobéir à une loi contestable), en passant par tous les justiciers masqués dans la lignée de Batman (agir dans les limites de la légalité ou au-delà ?). Mais il n’est nul besoin de pouvoir extraordinaire ou quasi-divin pour être confronté à ce type de dilemme, comme l’illustre le roman de James Blish Un cas de Conscience (1958). Il suffit d’avoir le pouvoir politique, financier, militaire ou religieux (Dune, Frank Herbert, Cleer, L.L. Klœtzer, La Panse, Léo Henry, F.A.U.S.T., Serge Lehman). Faut-il lâcher la bombe ou pas (Dr Folamour, Stankey Kubrick, Point Limite, Sydney Lumet) ? Faut-il négocier ou entamer la guerre (la série du Vieil homme et la guerre, John Scalzi) ? Faut-il envahir, coloniser, piller, ou collaborer en toute intelligence (voir les textes de science-fiction écrits à l’occasion de la guerre du Vietnam, les romans « africains » de Mike Resnick, Avatar, James Cameron) ? Qu’il soit dictateur sans pitié, stratège militaire pragmatique ou médecin bienveillant, comment le détenteur du droit de vie et de mort opérera-t-il ses choix ? Comme pour les médecins, ces œuvres nous conduisent à faire face à la souffrance et à la mort, qu’elles prennent la forme d’un tête-à-tête ou d’une vague épidémique comme celle que nous venons de vivre. De l’autre côté, celui des non-décisionnaires confrontés à des régimes totalitaires de type 1984 (George Orwell) ou Brave New World (Aldous Huxley), les peuples opprimés sont alors en face d’un triple choix, entre la sécurité de la soumission, les risques de la rébellion, mais aussi le confort coupable de la collaboration. De même, comment, face à la domination d’un genre sur un autre, ne pas explorer l’hyperdomination (Swastika Night, Katharin Burdekin, La Servante écarlate, Margaret Atwood), l’inversion (Le Pouvoir, Naomi Alderman), le double genre (La Main gauche de la Nuit, Ursula Le Guin), l’alternance (Le Ravin des ténèbres, Robert Heinlein, Le Silence de la cité, Élisabeth Vonarburg, Gens de la Lune, John Varley), la relation aliène (Des Rapports étranges, Philip José Farmer), ou la sexualité technologique (L’Ève future, Villiers de l’Isle-Adam, Innocence, Mamoru Oshii) ? Comme le savoir, l’information est synonyme de pouvoir. Mais que faire lorsqu’on est détenteur d’un lourd secret, sur la nature du réel (Le Maître du Haut Château, La...