E-Book, Französisch, 168 Seiten
Funck-Brentano L'Affaire du collier
1. Auflage 2021
ISBN: 978-2-322-24957-2
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
Les dessous de la plus célèbre escroquerie de l'histoire de France
E-Book, Französisch, 168 Seiten
ISBN: 978-2-322-24957-2
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
Frantz Funck dit Frantz Funck-Brentano, né au château de Munsbach (Luxembourg) le 15 juin 1862 et mort à Montfermeil le 13 juin 1947, est un archiviste, conservateur de la bibliothèque de l'Arsenal, historien et dramaturge français.
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I. — LES SOURCES.
De tous les procès dont l'histoire a gardé le souvenir, l'affaire du Collier est celui qui a exercé Faction la plus profonde sur les destinées de notre pays. Les passions s'en emparèrent. Il fut dans les mains des politiciens un bélier dont ils ébranlèrent la monarchie. Le procès du Collier, dit Mirabeau, a été le prélude de la Révolution1.
Marie-Antoinette y perdit joie et repos. A cette époque, écrit Mme Campan, finirent les jours fortunés de la reine. Adieu pour jamais aux paisibles et modestes voyages de Trianon, aux fêtes où brillaient tout à la fois la magnificence, l'esprit et le bon goût de la cour de France ; adieu surtout à cette considération, à ce respect, dont les formes accompagnent le trône, mais dont la réalité seule est la base solide.
Gœthe se passionna pour cette intrigue. Il tint à se mettre en rapport direct avec Breteuil, qui y avait joué un rôle important. Il étudia l'affaire dans les sources mêmes, dans les pièces de procédure, et en découvrit les conséquences, de son esprit clairvoyant. Ce procès, dit-il, fit une secousse qui ruina les bases de l'État. Il détruisit la considération que le peuple avait pour la reine, et, généralement, pour les classes supérieures, car — hélas ! — chacun des acteurs ne faisait que dévoiler la corruption où se déballaient la Cour et les personnes du plus haut rang. Gœthe ajoute : L'événement, me remplit d’épouvante comme l'aurait fait la tête de la Méduse. Ces intrigues détruisirent la dignité royale. Aussi l'histoire du Collier forme-t-elle la préface immédiate de la Révolution. Elle en est le fondement. La reine, étroitement liée à cette fatale affaire, y perdit sa dignité, sa considération ; elle y perdit dans la pensée populaire cet appui moral qui faisait d’elle une figure intangible2. Jugement confirmé par le plus éminent, des historiens de Marie-Antoinette, M. Pierre de Nolhac : A partir de l'affaire du Collier, la France se bête vers la Révolution. La royauté a perdu son dernier prestige, Marie-Antoinette est, par avance, découronnée3.
En raison de leur importance, les faits ont été déformés par l'esprit de parti, chacun s'efforçant d’y trouver des arguments à sa cause ; ce qui ne lui était d’ailleurs pas difficile dans l'amas de documents, mémoires et dissertations des avocats, brochures, libelles, pamphlets, plaquettes au rouleau, gazettes et articles de journaux, nouvelles à la main, petits vers et brevets à la calotte, sarcelades et pasquinades, reportages, bavardages, commérages et papotages, on l'affaire fut noyée dès les premiers jours.
La quantité de textes parvenus jusqu'à nous, qui permettent, non seulement de dénouer le nœud de l'intrigue, mais de connaître la vie des divers personnages, d’y pénétrer dans les coins et recoins, d’en faire saillir les menus détails, est vraiment surprenante. Indications qui coulent de source : ce sont les pièces du procès, interrogatoires, récolements, confrontations4 ; les plaidoyers, mieux encore, les dossiers des avocats ; les lettres et correspondances des acteurs en jeu : billets à l'encre sympathique, furtivement envoyés par le cardinal de Rohan, qui est sous les verrous de la Bastille, à son défenseur, Me Target, où se lisent ses pensées de derrière la tête5 ; lettres écrites par Mme de la Motte, réfugiée en Angleterre, à son mari et à sa sœur, où s'éclaire d’un plein jour le fond de son âme6 ; ce sont les mémoires rédigés par les accusés, soit au cours du procès, soit après, où chacun raconte par le menu et à sa manière ce qu'il sait et ce qu'il a vu7 : ce sont les notes et papiers administratifs concernant la détention des prisonniers à la Bastille8 ; puis des rapports de police ; des inventaires et des procès-verbaux d’huissiers qui dessinent de leur trait net et sec, en ligues caractéristiques, les meubles et les costumes tels les patrons d’un journal de modes on les prospectus d’un magasin d’ameublement ; puis les nombreuses relations des contemporains ; car l'événement ayant frappé dès l'abord les imaginations, chacun tint à noter ce qu'il en entendait, à raconter ce qu'il savait des personnages, de leurs mœurs, de leur passé, de leurs caractères : Beugnot, Mme Campan, Mme d’Oberkirch, Mme de Sabran, l'abbé Georgel, Desenval, le duc de Lévis, le marquis de Ferrières, Manuel et Charpentier, les notes du libraire Hardy9, le récit demeuré manuscrit du libraire Nicolas Ruault10 ; les dépêches des des ambassadeurs étrangers près le roi de France à leurs gouvernements respectifs : et tous les journaux, ceux de Paris, ceux de Londres, les gazettes de Hollande qui insèrent des correspondances de Paris ; un nombre infini de pamphlets, les nouvelles à la main, le Bachaumont, la ; et l'iconographie, les pinceaux de Mme Vigée-Lebrun et ceux de Pujos, le crayon de Cochin, l'ébauchoir de Houdon, le burin de Cathelin, de Janninet, de Desrais, d’Eisen, de Legrand, de Macret, les estampes populaires. Les lieux mêmes qui servirent de cadre à l'action se retrouvent, les maisons sont conservées : à Versailles le château avec le cabinet intérieur du roi et la galerie des Glaces, le parc avec le bosquet de Vénus ; la place Dauphine, où se trouvaient le garni Gobert et l'hôtel de la , aujourd'hui place Hoche ; — à Paris, rue Vieille-du-Temple, l'hôtel du cardinal de Rohan ; rue Saint-Claude, la maison de Cagliostro ; rue Saint-Gilles, celle de Mme de la Motte ; rue du Jour, l'ancien hôtel du Petit Lambesc et rue de la Verrerie, l'hôtel de la Ville de Reims ; les jardins du Palais-Royal ; — Champagne, à Bar-sur-Aube, à Fontette, à Clairvaux, à Châteauvillain, non seulement les lieux, mais les demeures, les murailles mêmes entre lesquelles se déroulèrent les événements du récit.
Aux beaux jours de l'automne dernier, nous allions donc à bicyclette par le pays accidenté. Les routes étaient blanches sous le soleil : aux lianes des coteaux les pampres portaient les raisins mûrs. Dans les champs, où les récoltes étaient faites, les troupeaux de moutons confondaient leurs nuances d’un blanc qui tire sur l'ocre et le jaune avec les tons clairs des champs déblayés, jaunis par le chaume et les fanes sèches ; mais, de place en place — c'étaient des rires, — les filles mettaient encore les récoltes en javelles : au passage du Parisien elles s'arrêtaient, se redressaient et regardaient l'air ahuri. Et nous allions ainsi de Bar-sur-Aube aux Cronières, à Fontette, à Verpillières, à Clairvaux, à Chateauvillain. Les bonnes gens comprenaient nos recherches. L'affaire du Collier, le nom de Mine de la Motte sont demeurés légendaires dans le pays. Ah ! monsieur, c'était une coquine ! disaient-ils, et, avec empressement, après avoir vidé de compagnie, sur la table de bois brut, les longs verres de vin rose, ils noirs aidaient dans notre tâche.
Comment remercier ceux qui, de toute part, nous ont tendu la main ? M. Alfred Bégis, secrétaire de la société des Amis des livres, a été pour nous un véritable collaborateur. Que de sources nous eussions ignorées sans ses indications sistres, précises ! Depuis des années il réunissait des documents sur l'Affaire du Collier, documents recueillis aux Archives nationales, aux archives paroissiales de Londres, aux archives départementales de l'Aube, aux archives municipales de Bar-sur-Aube et de Vincennes ; et bien des pièces se trouvent en original dans sa belle collection. Notes et pièces originales, M. Bégis a tout mis à notre disposition, ainsi que des séries d'estampes contemporaines. De nombreux documents il nous a fourni la copie intégrale, faite de sa main. Notre ami Paul Collin, directeur de la , nous a prêté une série de brochures et de pamphlets, se rapportant au procès du Collier, ainsi que notre maître M. Jacques Flach, professeur au Collège de France, et notre obligeant collègue, M. le comte de la Revelière, administrateur de la...




