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E-Book, Französisch, 161 Seiten

Ramuz Adam et Ève

E-Book, Französisch, 161 Seiten

ISBN: 978-3-96544-595-6
Verlag: Librorium Editions
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark



À la terrasse de l'auberge la Croix Blanche, Louis Bolomey est accablé : après six mois de mariage, sa très jeune épouse, Adrienne, l'a quitté sans explication. Gourdou, le vieux rétameur, lui explique que tous les malheurs viennent du péché originel et lui fait lire le début de la Genèse.

Charles Ferdinand Ramuz, né à Lausanne le 24 septembre 1878 et mort à Pully le 23 mai 1947, est un écrivain et poète suisse dont l'?uvre comprend des romans, des essais et des poèmes où figurent au premier plan les espoirs et les désirs de l'Homme.
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PREMIÈRE PARTIE
I
Mme Chappaz jeta dans la poêle pleine d’huile bouillante les pommes de terre coupées en tranches minces, et elle recula vivement, tout en renversant la tête en arrière. Puis elle s’est mise à secouer la poêle à petits coups, pendant que l’huile à la surface du récipient faisait des bosses, comme quand le lac « brasse » par le mauvais temps. C’est alors qu’elle a vu Bolomey qui arrivait. Quelle heure peut-il bien être ? L’horloge a sonné un coup dans le corridor. Une heure de l’après-midi. « C’est drôle », a pensé Mme Chappaz qui secoue de nouveau sa poêle, ayant sur les joues deux petits bouquets de roses minutieusement peints comme sur un vieux cadran de pendule. Bolomey s’était assis à une des tables sous les arbres dont les bourgeons venaient seulement de s’entr’ouvrir, de sorte qu’ils étaient tout entourés encore d’une fine poussière, comme si on avait secoué dessus le contenu d’un vieux sac à ciment ; et Mme Chappaz : « À ces heures ! » Elle a pris dans le four le plat qu’elle y avait mis chauffer ; elle empoigne la poche plate percée de trous qui brillait comme de l’argent, étant fraîchement étamée ; elle s’est tournée vers sa fille Lydie qui entrait : — Va lui demander ce qu’il veut. — Qui ? — Tu ne vois pas ? — Tiens, c’est Louis, a dit Lydie ; qu’est-ce qu’il fait par là ?… Lydie alors a déposé sur la table son plateau de bois à poignées, où il y avait une soupière et des assiettes ; une grande fille qui a dit : « Il fait chaud », et elle mord dans une pomme. Lui, n’avait pas bougé de sa place. Il s’y était assis et accoudé ; elle venait, il ne bouge pas. La cuisine ouvrait directement sur la terrasse ; il avait dû pourtant entendre le bruit que la porte avait fait en s’ouvrant et qu’on venait : il n’a pas bougé. Elle lui a dit : — Bonjour, Monsieur Louis. Il n’a rien répondu. — Qu’est-ce que vous prenez ? — Un café. — Nature ? Il a hoché la tête ; c’est tout. Elle a repris sa pomme, qu’elle avait fourrée avant de sortir dans la poche de son tablier et a mordu dedans tout en s’en retournant, pendant que les pommes de terre saupoudrées de gros sel attendaient sur leur plat ovale. Elle mordait dans sa pomme : — Un café nature. — Va toujours servir ces messieurs, dit Mme Chappaz ; je prépare le café pendant ce temps. Mme Chappaz prit un linge où elle s’essuya les mains. La grande cafetière de cuivre était au chaud sur un coin du fourneau : « Qu’est-ce qu’il peut bien lui être arrivé, qu’il soit ici à des heures pareilles ? » Elle regarde Bolomey par la fenêtre ; elle voit qu’il est assis tout seul sur la terrasse et il ne bouge toujours pas. Puis elle le voit qui hoche la tête. Elle s’est essuyé les mains, elle pend le linge à son clou ; elle prend un verre sur le rayon où ils étaient rangés en grand nombre les uns à côté des autres ; elle voit Bolomey qui tire un papier de sa veste, qui l’a lu (c’était vite lu) ; alors il semble réfléchir, le plie à nouveau, le remet où il l’avait pris ; et, légèrement balancée par un peu de vent, l’ombre bougeait sur ses épaules, percée de trous comme une éponge. Elle avait retourné le verre qui était un verre ordinaire, haut et étroit, ayant un large pied épais et plein de bulles ; elle regarde de nouveau ; elle voit qu’il ne bouge plus. Elle prend une cuillère dans le tiroir, trois morceaux de sucre qu’elle pose l’un à côté de l’autre sur un petit disque de nickel guère plus grand qu’une pièce de cinq francs, – à pas plus de dix ou quinze mètres d’elle sous les arbres, où il y a des tables, avec son chapeau de tous les jours, son veston de tous les jours, son pantalon de tous les jours, bien reconnaissable et méconnaissable. « Il aurait mieux fait d’épouser Lydie, se disait Mme Chappaz ; peut-être qu’elle se serait calmée. Et, pour lui aussi, ça aurait mieux valu. » Elle soupire. Elle soupire bruyamment, secouant la tête comme Bolomey vient de faire, un garçon qui a du bien, un garçon qui est indépendant depuis que sa mère est morte, – et son orgueil était cette cafetière en cuivre bien fourbie au brillant belge, qu’elle vient de soulever, versant dans le verre un liquide brunâtre et trouble. « C’est dommage, puisqu’on est voisins, pense-t-elle. Et ça doit mal aller chez lui… » rangeant sur un plateau d’aluminium le verre, la cuillère, le sucre : « c’est dommage. Et puis il y a Lydie, mon Dieu ! Qu’est-ce qu’il va falloir que je fasse de cette grande fille ?… » Lydie revenait justement : — Tâche de savoir ce qu’il a. Ça ne doit pas aller avec sa femme. — Tu crois ?… Tu es bien curieuse, maman. Lydie, elle, ne l’est pas. Elle fait son service. Des clients à la salle à manger, d’autres dans la salle à boire, celui-ci enfin qui est seul sur la terrasse : elle passe de l’un à l’autre avec un poulet, un litre de vin, un café. C’est le métier. Elle avait fini de manger sa pomme. Elle voit qu’il fait aussi doux dehors que dans la cuisine, où le fourneau pourtant brûle depuis de bonne heure le matin, mais c’est qu’elle est basse et humide. L’hiver se tient réfugié dans nos maisons particulières alors qu’il a été chassé depuis longtemps par le printemps de dessous le grand ciel qui est à tout le monde. Grande, et est-ce qu’elle est maigre ? On ne sait pas bien. À cause peut-être de son chandail de laine, qui est de couleur trop claire, et d’un vert un peu faux parmi ces autres verts. Il est brun, lui, de la tête aux pieds ; elle, elle est jaune et verte. Elle pose le plateau où est le café à côté de Bolomey sur la table pas nettoyée, mais c’est qu’on n’avait pas encore fait la toilette de la terrasse. On voyait la plupart des chaises et des tables, qui étaient pliantes et en fer, être encore empilées contre le mur sous un petit avant-toit, parmi les toiles d’araignées et entre des tas de feuilles mortes que la bise avait poussées là de son balai méticuleux. Elle était sans gêne et semblait sans timidité ; lui, avait les coudes dans la poussière. Elle a dit : — Vous auriez pu au moins me laisser donner un coup de torchon, Monsieur Louis. Peut-être que Mme Chappaz les surveillait par la fenêtre, mais on ne pouvait pas voir ce qui se passait derrière les vitres que le soleil faisait briller. Bolomey n’a rien répondu. Ah ! il faisait doux ; ah ! il faisait beau dans le monde. Il faisait tiède. Le vent passe, il vient de tous les côtés. Il vient de l’ouest où est la Sorge dans son vallon, il vient du nord où est le mont couvert de bois, il vient du sud où est le lac ; il vient de partout à la fois, faisant des remous où un premier papillon jaune monte et descend, tandis que ses ailes bougent comme les pages d’un livre ouvert, car c’est l’air qui les fait bouger. Et lui et elle étaient dans ce vent ; elle lui a dit : — Alors quoi, ça ne va pas ? Il a haussé les épaules, étant toujours accoudé, dans son habit de grosse laine brune, devant le café qui fume dans le verre et les trois morceaux de sucre, – en avril, vers le 15 ou le 16 avril. — Qu’est-ce qu’il y a qui ne va pas ? Il ne répond rien. — Oh ! moi, a-t-elle dit, vous savez, ce n’est pas pour vous questionner… Mais si vous aviez besoin d’un coup de main, n’est-ce pas ?… Il secoue la tête, il n’a toujours rien répondu. On voyait qu’il y avait en elle beaucoup de hardiesse. Une autre se serait rebutée : elle, elle ne s’en allait pas. Est-ce seulement sa nature, ou si c’est parce qu’on était bien ici, dans ce mélange d’ombre et de soleil, dans cet air tiède qui sent bon, qui sent l’herbe, la feuille verte, la mousse, le sapin, l’eau du lac ? Elle reste là, elle a dit : — Attendez, je vais chercher un torchon. Il ne bouge pas. Elle revient. — Excusez-moi, c’est tout de suite fait. Ah ! ces oiseaux !… Levant la tête, et il y en a en effet plein les arbres, des gros et des petits, criant tous à la fois et se poursuivant dans les branches. Elle doit élever la voix, parce qu’on ne s’entend plus. — Levez les coudes ; là… C’était dégoûtant… Il y a des merles, des mésanges, des pinsons, des fauvettes, sans compter des moineaux en grand nombre, qui bougeaient dans les branches, parmi les pousses vertes, comme des feuilles mortes, pas encore tombées ; puis voilà qu’elles tombent : — Comme ça, ça va mieux, hein ? Elle avait mis le torchon sous son bras ; lui continuait à ne rien dire. Et tout à...


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