E-Book, Französisch, 222 Seiten
ISBN: 978-2-322-38545-4
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
Retraité des travaux publics. Né en 1933 en Dordogne. Il a déjà, publié plusieurs ouvrages notamment "Sur les traces de Jean Galmot", "La guerre de cent ans en Périgord", "Quand j'étais bidasse".
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Bien entendu, tout autour d’une île, il y a la mer. En Martinique, à l’ouest c’est la mer des Caraïbes, habituellement très calme, à l’est c’est l’océan Atlantique, souvent très agité, mais par endroit, grâce à la barrière de corail, il y a des lagons où les flots sont apaisés. Le dimanche, en compagnie parfois d’un collègue de l’entreprise, lui aussi provisoirement célibataire, j’allais généralement passer la journée à l’anse Mitan, l’une des plages très fréquentées de l’autre côté de la baie de Fort-de-France. A midi, après la baignade, nous déjeunions dans une paillote installée sur la plage où une accorte martiniquaise nous proposait des accras ou des oursins farcis et puis, grillés au feu de bois, au choix, soit de belles langoustes, soit d’énormes poissons rouges, agrémentés par une sauce fortement pimentée. Par la suite, à l’ombre d’un raisinier, la sieste était bienvenue. Finalement, c’est deux mois après mon arrivée dans l’île, que ma femme et mes deux filles m’ont rejoint. On leur avait même payé le voyage par la voie des airs et c’est avec une joie, un bonheur sans limites que nous nous sommes retrouvés à l’aéroport. Jusque-là je logeais toujours au Bristol. Nous y avons passé la première nuit de nos retrouvailles, puis nous avons intégré le logement de fonction qui, par contrat, m’avait été fourni par l’entreprise et qui, avantage non négligeable, se trouvait à une centaine de mètres de mon bureau. Une grande villa qui comprenait quatre pièces, entièrement meublées, y compris les accessoires de cuisine et le couchage. Tout autour, il y avait une pelouse aux trois quarts gazonnée, la surface restante ayant été consacrée par nos prédécesseurs à la culture d’un potager, d’ailleurs, cinq ou six pieds de tomates et deux d’aubergines étaient encore en place. À mon tour, je m’étais promis de m’essayer un de ces jours au jardinage. Dans un des angles du terrain, avaient poussé trois rejetons de bananier dont un qui supportait un régime déjà presque mûr. De l’autre côté, il y avait un cocotier nain. Il suffisait d’un escabeau pour cueillir ses fruits. Sur toute la longueur des deux principales façades de la maison, l’une d’elles donnant sur la route, une terrasse couverte allait nous permettre, à l’abri des rigueurs du soleil ou des intempéries, de prendre nos repas à l’extérieur et, le soir, d’y trouver un peu de fraîcheur. Afin d’installer, ma famille dans notre nouveau logis, de mettre au courant mon épouse de la manière de vivre, de s’approvisionner, j’ai eu droit à une journée de congé exceptionnel. J’ai été heureux alors de lui faire connaître la ville, les principaux magasins, les moyens de se déplacer. A ce sujet, il y avait des petits autobus, d’une vingtaine de places. On les appelait les bombes. Il y avait un arrêt non loin de notre maison. Le lendemain, un samedi, nous sommes allés au marché et, l’après-midi, nous avons fait un petit tour dans la campagne pour voir les plantations de bananiers, de cannes à sucre. Le dimanche, nous avons emporté le pique-nique et nous avons passé la journée sur une plage proche de Fort-de-France. Une quinzaine de jours plus tard, nous avions déjà pris nos habitudes. Josette n’avait pas tardé à savoir comment et où se rendre en ville deux ou trois fois par semaine pour faire ses courses. Nos filles avaient intégré une école qui se trouvait à deux ou trois cents mètres de la maison et où leurs peaux blanches et leurs cheveux blonds avaient provoqué l’étonnement admiratif des autres élèves, tous des martiniquais de couleur. Et moi, n’ayant que quelques pas à faire pour me rendre à mon boulot et à la fin de ma journée de travail pour regagner mon logis, nous avons acquis une existence sereine. Le soir, après le dîner, confortablement installés dans un fauteuil, nous nous prélassions sur la terrasse en sirotant un rafraîchissement et nous savourions les mystères de la nuit tropicale. En face, il y avait une savane d’où, à la nuit noire, montaient des lucioles qui allaient se perdre dans le ciel comme autant d’étoiles filantes. Nous essayions de les suivre dans leur course. En prêtant bien l’oreille, nous percevions les derniers souffles de l’alizé qui chantaient doucement dans les filaos bordant le chemin. Et puis, cachés dans la haie d’hibiscus et de bougainvilliers qui délimitait notre domaine, dès que l’obscurité s’était faite, un ensemble vocal de rainettes et d’insectes interprétait sa sérénade favorite. Parfois en solo, une cigale ! Une de ces énormes cigales comme l’on en voit que sous les tropiques. J’essayais parfois de les surprendre. En catimini, je m’approchais. Allez donc ! Brusquement, ne supportant pas une présence étrangère proche, ils s’interrompaient. Où étaient-ils ? Disparus ! Envolés ! Je m’écartais de trois pas, et le chef à nouveau reprenait sa baguette. Le final n’intervenait qu’aux premières lueurs de l’aube. Les premiers soirs, après avoir regagné notre chambre, ce concert étant pour nous inhabituel, nous mettions longtemps à nous endormir. Les chauves-souris également. Pour grappiller les fruits mûrs dans les arbres des alentours, elles battaient la campagne en ribambelle, troublant la quiétude des lieux par leurs criaillements. Quelquefois, le passage d’un quidam attardé ou l’aboiement d’un chien errant les faisait fuir. Et puis de nombreux amis, auxquels nous ne attendions pas lorsque nous avions pris possession des lieux, nous rendaient souvent visite. Tous les matins, par l’une ou l’autre des fenêtres ouvertes, c’était, comme une flèche décochée, un colibri soudain dans la maison ! Surtout attiré par les couleurs, un rideau flamboyant, un tableau, un fruit ou une potiche multicolore, le minuscule volatile explorait chaque pièce. Se déplaçant en lignes brisées parfaitement géométriques, il revenait, repartait, s’arrêtait. Quelquefois il emmenait une compagne. Un peu timide, elle ne le lâchait pas d’un bruissement d’ailes. Après quelques salamalecs, ils disparaissaient en deux éclairs mordorés pour aller visiter les fleurs de la haie d’hibiscus devant la terrasse, sans en oublier aucune. Pendant que, de leurs longs becs, ils récupéraient le pollen, soutenus dans les airs par leurs ailes simplement devinées, invisibles à force de vélocité, ils semblaient suspendus à un fil. Et puis, il y avait les anolis, ces petits lézards verts des Antilles. Fréquentant la maison depuis sans doute fort longtemps, ils s’étaient rapidement habitués à notre présence. Ils allaient et venaient un peu partout à leur fantaisie dans toutes les pièces, et se permettaient même quelques privautés, osant même monter sur la table de la cuisine au cours de nos repas pour picorer les miettes qu’on leur jetait. Il y en avait deux ou trois qui étaient jaloux de leurs prérogatives, en particulier un gros mâle qui faisait le gendarme sur le territoire qu’il s’était arrogé. Il fallait le voir se dresser orgueilleusement sur ses pattes avant et gonfler sa gorge de colère jusqu’au plus jaune éclatant. Il employait la même méthode pour impressionner les femelles et faire sa cour. De plus, mais à l’extérieur, autre animal du voisinage, un énorme crabe de terre avait élu domicile devant la porte de service, à l’arrière du bâtiment. Ce n’était pas un mauvais bougre, cependant, ne se souciant en aucune manière de la propreté des lieux, ce monsieur répandait sans vergogne sur la pelouse les tas de boue nauséabonde que, notamment les jours de pluie, il retirait de sa tanière. En outre, plutôt sauvage, il n’appréciait guère la compagnie, sauf peut-être à l’heure du déjeuner ou du dîner lorsque ma femme lui accordait les reliefs de nos repas. Un profiteur en somme. Malgré tout il n’était pas difficile, tout lui était bon, même les os qu’il curait avec soin jusqu’à la plus petite parcelle de chair ou de cartilage, quand il n’avait pas pu les briser avec sa pince gauche qui était énorme, celle de droite étant minuscule, à se demander d’ailleurs à quoi elle pouvait bien lui servir. Il vivait seul, sans amis, en vieil ermite. Quand il ne mangeait...